Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
L’ATELIER DU MAÎTRE.

Rome, dans l’intention de reprendre toutes les parties d’ombre et de les empâter[1].

Un de ses mots était : « Messieurs, mettez du blanc dans les ombres. »

Sur les murs de l’atelier, je remarquai plusieurs autres ouvrages.

À la paroi du fond était accrochée, sans cadre, sa Vénus Anadyomène ; j’avoue qu’il existe peu de choses qui m’aient produit une aussi vive émotion que la vue de ce tableau. Il me sembla que c’était ainsi que devait être la peinture d’Apelles.

Le ciel était d’un ton bleuâtre plutôt que bleu ; toute la figure avait cet aspect si attrayant de l’ébauche, les Amours à peine indiqués, mais charmants.

Je ne crois pas que le souvenir me trompe, et je vois encore ce tableau devant mes yeux, tel qu’il était à son atelier. Depuis, qu’est-il arrivé ?

Aujourd’hui, le ciel est d’un bleu foncé, presque noir, sur lequel la Vénus se détache en lumière vive, et, quand je l’ai vue pour la première fois, le passage du ton du ciel à celui de la figure était à peine sensible. M. Ingres avait-il perdu

  1. Mettre du blanc dans les couleurs dont on se sert : le blanc, étant une couleur opaque, mélangé avec d’autres couleurs, en fait une espèce de pâte.