Page:Ampère - L’histoire romaine à Rome, tome 2.djvu/245

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Il faut que le peuple souffre pour qu’une révolution soit possible ; mais, hélas ! le peuple souffre toujours. Il faut donc quelque chose de plus : il faut que le mécontentement pénètre dans les régions élevées de la société. Pour atteindre une tyrannie, le coup doit partir à la fois d’en bas et d’en haut. Brutus, qui renversa Tarquin, oppresseur du peuple, était, par sa mère, neveu du roi ; Brutus était un prince du sang.

Les plus pauvres des plébéiens détestaient le superbe et cruel despote qui les accablait d’un travail disproportionné à leur force, et qui, s’ils voulaient s’y soustraire par la mort, les livrait sur le gibet aux oiseaux de proie.

Si Tarquin n’avait eu affaire qu’à la foule misérable qui creusait ses égouts, il eût pu l’opprimer longtemps ; mais les patriciens ne lui pardonnaient pas d’être monté au trône par un coup d’État sanglant sans qu’ils eussent prononcé.

Les Latins voyaient en lui le destructeur de la constitution de Servius, par laquelle ils étaient devenus égaux en droits aux Sabins ; pour les Sabins il était un étranger appartenant à cette race étrusque dont les rois s’étaient mis à la place des rois de leur nation. Il n’avait rien fait pour adoucir leur ressentiment ; au contraire, il l’avait aigri par son orgueil et ses violences.

La haine, en divisant Sabins et Latins, avait servi l’ambition de Tarquin ; la haine, en les rapprochant, le renversa.