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romaine commença à voir d’un œil jaloux le triomphateur ; dès ce moment l’envie s’attacha à Camille et en descendant du Capitole, il commença à descendre de sa haute félicité.

Camille paraît avoir été un homme religieux[1], je dirais sincèrement dévot, car en fait de religion, les termes qu’on emploierait aujourd’hui à Rome conviennent souvent à la Rome antique ; il eut un scrupule de conscience. Du butin dont l’armée s’était emparée, la dixième partie avait été vouée par lui à Apollon, dont le temple venait d’être construit, dont le culte nouveau, ou plutôt renouvelé[2], était l’objet d’une grande ferveur. Décider les soldats à rendre ce qu’ils avaient pris n’était pas facile. Les, prêtres, j’allais dire les casuistes, consultés, imaginèrent un biais pour se tirer d’affaire. Ils déclarèrent que la religion serait satisfaite, si chacun après avoir estimé sa prise, en offrait la dixième partie. Mais Camille était un rigoriste. Il allait partout disant, ce sont les paroles de Tite Live[3], que sa conscience ne lui permettait pas de se taire, que l’on parlait seulement du butin, mais que dans sa pensée son vœu s’était étendu aussi à la terre conquise sur l’ennemi. Les prêtres, consultés de nouveau,

  1. Diligentissimus religionum cultor. (Tit. Liv., V, 50.)
  2. Emprunté aux Grecs et renouvelé des Pélasges, auxquels pouvait remonter le culte probablement très-ancien de l’Apollon du Soracte, Soranus Apollo.
  3. Tit. Liv., V, 25.