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Page:Anatole France - Autels de la peur.djvu/64

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leur donna d’office un savetier qui se trouvait dans la salle. Cet homme avait appris à parler dans les clubs :

— Citoyens jurés, dit-il d’une voix sourde, les aristocrates qui paraissent devant vous ont déjà eu deux défenseurs : l’accusateur qui vous exposa leurs crimes et le président qui vient de leur en arracher l’aveu. Je n’ajouterai rien à ce qu’ils ont dit l’un et l’autre. Je m’en rapporte pour le surplus, citoyens jurés, à votre équité et à votre patriotisme.

Après cette défense, la délibération du jury fut courte.

Fanny d’Avenay, ci-devant noble, et Marcel Germain furent condamnés à la peine de mort. Il était cinq heures vingt minutes du soir.

Les jugemens du tribunal étant immédiatement exécutoires, les deux condamnés furent conduits au greffe de la Conciergerie où déjà des personnes jugées précédemment attendaient sur des banc et sur deux méchantes paillasses. Leur toilette était faite et leurs mains liées. Des mèches de cheveux couvraient les dalles. Marcel et Fanny trouvèrent là des ci-devant nobles, des filles du peuple, des sans-culottes, un hussard et une vieille maréchale sourde et boiteuse. Le bourreau avait son compte. Il chargea la charrette dans la cour et le cortège des gendarmes et des condamnés se mit en marche.

Autour de la Conciergerie, la foule était peu nombreuse et composée presque entièrement d’enfans et de vieilles femmes, amis du soleil. Quelques cris de : « Vive la république ! » se firent entendre.