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— Ce sont des pieds de diablotins, dit Abeille.

— Ou de biches, dit Georges.

La chose n’a point été éclaircie. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que le sentier descendait en pente douce jusqu’au bord du lac, qui apparut aux deux enfants dans sa languissante et silencieuse beauté. Des saules arrondissaient sur les bords leur feuillage tendre. Des roseaux balançaient sur les eaux leurs glaives souples et leurs délicats panaches ; ils formaient des îles frissonnantes autour desquelles les nénufars étalaient leurs grandes feuilles en cœur et leurs fleurs à la chair blanche. Sur ces îles fleuries, les demoiselles, au corsage d’émeraude ou de saphir et aux ailes de flamme, traçaient d’un vol strident des courbes brusquement brisées.

Et les deux enfants trempaient avec délices leurs pieds brûlants dans le gravier humide où couraient la pesse touffue et la massette aux longs dards. L’acore leur jetait les parfums de son humble tige ; autour d’eux le plantain déroulait sa dentelle au bord des eaux dormantes, que l’épilobe étoilait de ses fleurs violettes.