Page:Anatole France - Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.djvu/123

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Pendant que les déménageurs étaient allés boire chez le mastroquet du coin, l’armoire à glace de mademoiselle Zoé reflétait la file des passants, ouvriers, élèves des Beaux-Arts, filles, marchands, et les haquets, les fiacres et les tapissières, et la boutique du pharmacien avec ses bocaux et les serpents d’Esculape. Accoté à une borne, M. Bergeret père souriait dans son cadre, avec un air de douceur et de finesse pâle et les cheveux en coup de vent. M. Bergeret considéra son père avec un respect affectueux et le retira du coin de la borne. Il rangea aussi à l’abri des offenses le petit guéridon de Zoé, qui semblait honteux de se trouver dans la rue.

Cependant, Riquet frotta de ses pattes les jambes de son maître, leva sur lui ses beaux yeux affligés, et son regard disait :

« Toi naguère si riche et si puissant, est-ce que tu serais devenu pauvre ? Est-ce que tu serais devenu faible, ô mon maître ? Tu laisses des hommes couverts de haillons