Page:Anatole France - Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.djvu/142

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Il avait de vieilles façons de dire qui étaient excellentes. Un jour qu’il avait invité nos parents à dîner, il présenta lui-même, pour la deuxième fois, un plat d’artichauts à notre mère, et lui dit : « Encore un petit cu, madame. » C’était en user et parler conformément aux meilleures traditions de la civilité et du langage. Car nos anciens ne disaient point : un fond d’artichaut. Mais le terme était suranné et notre mère eut grand’peine à ne pas éclater de rire. Nous apprîmes, Zoé, je ne sais comment, l’histoire du plat d’artichauts.

— Nous l’apprîmes, dit Zoé, qui ourlait des rideaux blancs, nous l’apprîmes parce que notre père la conta un jour devant nous sans s’apercevoir de notre présence.

— Et depuis lors, Zoé, tu ne pouvais plus voir monsieur Malorey sans avoir envie de rire.

— Toi aussi tu riais.

— Non, Zoé, je n’ai pas ri de cela. Ce qui