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ONÉSIME DUPONT

au négoce. Ses débuts dans le commerce des porcelaines furent marqués par un incident assez extraordinaire. Je veux vous le conter comme me l’ont conté des vieillards qui sont morts depuis longtemps.

Le père Dupont, honnête homme et habile homme, se faisait vieux vers 1835. Ayant acquis dans son commerce une fortune assez ronde pour le temps, il résolut de se retirer à la campagne avec sa femme Héloïse, née Riboul, qui venait enfin de recueillir l’héritage de son père, Riboul, ancien maçon, acquéreur de biens nationaux. Un jour donc de cette année 1835, le bonhomme appela son fils Onésime dans la petite cage grillée qui, depuis trente ans, lui servait de bureau et d’où l’on pouvait surveiller les commis du magasin en faisant les écritures. Et, là, il lui tint ce langage :

— Je ne suis plus jeune, et je voudrais finir ma vie dans le jardinage. J’ai toujours eu envie de greffer des poiriers. La vie est