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et poupine il eût une âme héroïque. Sa vie s’écoula tranquille dans le faubourg d’une ville de province. Il fabriquait des brosses aux Tintelleries. Mais ce soin n’emplissait pas son cœur.

— Il était encore plus petit que l’oncle Jean, dit mademoiselle Bergeret.

— Et il était martial, et il était civique et colonial, dit M. Bergeret.

— C’était un bon et honnête homme, dit mademoiselle Bergeret.

— Il avait fait la guerre en 1870, Zoé. Il avait vingt ans alors. Je n’en avais que douze. Il me semblait avancé en âge, grand par les ans. Un jour de l’Année terrible, il entra avec un bruit de ferrailles dans notre paisible maison provinciale. Il venait nous faire ses adieux. Il portait un effroyable costume de franc-tireur. De sa ceinture écarlate sortaient les crosses de deux pistolets d’arçon. Et, comme il faut qu’on puisse encore sourire dans les heures les plus tra-