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blique Bonaparte lui en garda rancune. Notre ami, plus magnanime, ne s’offensa pas de son propos. Émile Vincent fut mis avec sa compagnie à la disposition d’un général qui n’aimait pas les francs-tireurs et qui dit à ceux-là : « Ce n’est pas le tout que d’être habillés en mardi gras. Il faut se battre. »

» L’ami Vincent écouta sans trouble cette forte harangue. Il fut admirable durant toute la campagne. On le vit un jour s’approcher des avant-postes ennemis avec la tranquillité d’un héros et d’un myope. Il n’y voyait pas à trois pas devant lui. Rien ne pouvait le faire reculer. Durant les trente années qu’il lui restait à vivre, il se rappela ses mois de campagne en fabriquant des brosses de chiendent. Il lisait les journaux militaires, présidait les réunions de ses anciens compagnons d’armes, assistait aux inaugurations des monuments élevés aux combattants de 1870 ; il défilait à la tête