Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/161

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Ou bien :

— S’il vient du monde, je t’engage, dans ton intérêt, à prendre une autre tenue.

René prit l’habitude de sortir après chaque repas. Il allait, tout proche, s’étendre dans les ajoncs, sur les bords ravinés d’une petite rivière. Il ne rêvait même pas. Tout lui semblait pénible, absurde, mauvais ; sa douleur était sans charme, sans beauté. Il resta quelques semaines dans cet état.

Un jour qu’il bâillait stupidement au bord de l’eau, il vit des enfants qui se glissaient tout nus, avec des mouvements maladroits et jolis, d’une pierre à l’autre, dans le lit de la rivière. Ces petits êtres à crins jaunes, avec des faces rouges, qui riaient, s’appelaient, se repoussaient, criaient, faisaient clapoter l’eau, mettaient de la gaieté dans l’âpre paysage. Longuemare eut tout d’un coup une idée. Il les appela ; mais eux, pour s’enfuir, s’accrochaient des mains et des genoux aux pierres moussues, glissaient sur le fond vaseux, faisaient des plongeons et n’avançaient guère. Un d’eux, tapi dans la fente d’un rocher qui surplombait la rivière, s’y croyait caché. René vint l’y surprendre