Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/180

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Mais quelques coups frappés contre la cloison le rappelèrent. Il ouvrit la porte vitrée avec une sorte d’angoisse. Une voix aigre et sans sexe, sortie d’une alcôve, l’avertit qu’il y avait une lettre pour lui sur la commode.

Il prit la lettre, descendit cinq marches gluantes et entra dans sa chambre. Aux premières lueurs de sa bougie il examina d’un œil soupçonneux l’enveloppe de la lettre.

C’est que depuis longtemps la poste ne lui apportait rien d’heureux. Mais, quand il eut rompu le cachet et commencé de lire, il découvrit ses dents blanches par un sourire naïf. Sa nature enfantine, flétrie par la misère, s’égayait à la moindre clémence des choses. En ce moment-là, il était heureux de vivre.

Il retourna toutes ses poches pour recueillir une poussière de tabac mêlée de croûtes de pain et de flocons de laine dont il bourra sa pipe courte ; puis, s’étant coulé voluptueusement sous les draps sales de son lit-canapé, il se mit à chantonner à mi-voix la lettre qui l’avait fait sourire.