Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/191

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nade blanche : Monsieur Godet-Laterrasse saluait.

— Mon fils, Remi, dit monsieur Sainte-Lucie en présentant le jeune homme, qui, consentant à laisser un croquis inachevé, s’approcha avec un déhanchement paresseux.

C’était un beau garçon d’un teint olivâtre très pur. Il roulait des yeux ennuyés et semblait tendre au hasard sa grosse bouche sensuelle.

On se mit à table. Monsieur Sainte-Lucie était deux fois plus large que monsieur Godet-Laterrasse. Le mulâtre d’Haïti avait un teint chaud et doré qui semblait plus riche encore auprès de cette couleur de suie mal essuyée dont l’autre était barbouillé. Le mulâtre de Bourbon était chétif, fripé, crotté. Mais l’expression d’emphase naïve et d’orgueil enfantin empreinte sur son visage inspirait pour lui cette pitié sympathique qui s’attache aux chiens savants et aux génies malheureux.

L’affaire qui les réunissait fut traitée entre les rognons sautés et les petits pois au sucre. Monsieur Godet-Laterrasse provoqua les explications.

— Eh bien ! mon ami, dit-il à son futur élève, en lui tapant sur l’épaule, nous allons donc prendre nos grades dans la vieille Université ?