Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/220

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sine une belle tranche de rosbif froid ; la voulez-vous ? Vous ne buvez pas !

Il mangeait, il buvait et elle le contemplait pieusement. Elle disait :

— Je vous ai donné ce gruyère ; il pleure ; il est bon. M. Potrel aimait beaucoup le gruyère qui pleure.

Et Remi mangeait. Virginie lui servit encore des fruits et des compotes. Puis, s’étant longtemps absorbée dans une contemplation mystique, elle soupira :

— Peut-être que j’ai eu tort d’agir comme je l’ai fait. Vous serez comme les autres, monsieur Sainte-Lucie. Les hommes se ressemblent tous. Mais moi, je ne suis pas une femme comme on en voit tant. Quand je m’attache, c’est pour la vie. Je vous ai dit comment Potrel avait agi envers moi. De bonne foi, était-ce une conduite à tenir ? Un homme à qui j’ai rendu tous les services imaginables… Je lui raccommodais son linge ; je me serais jetée au feu pour lui. Il avait de l’esprit, du talent, et tout. Mais ce n’est qu’un ingrat !

Et les yeux affligés de la dame se levaient vers