Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/249

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dos du savoyard et, sous les toits blancs de neige, dans les salles à manger chaudes, le fumet des oies rôties, aux jours de Noël, du nouvel an et des rois. Mais le temps ne changea pas le cœur de Branchut.

Le jour des Rois, vers quatre heures, Remi, passant avec le poète Dion sur la place Saint-Sulpice, regarda les coulées de glace qui recouvraient à demi les quatre évêques de pierre et l’eau gelée sous leurs pieds, dans la fontaine. Il se frotta les mains et dit avec un gros rire :

— Il ne fera pas chaud sur cette place à minuit.

Puis ils s’entretinrent, Remi avec une grosse joie, Dion avec une satisfaction raffinée, d’une lettre qu’ils venaient d’envoyer par un commissionnaire et dont ils ne se lassaient pas de réciter le début : « Vous êtes brun et je suis blonde ; vous êtes fort et je suis faible. Je vous comprends et je vous aime. » Ils avaient tramé assurément quelque détestable mystification dont ils étaient contents et fiers.

Ce soir-là, Branchut dînait au Chat Maigre avec Mercier, qui vieillissait et dont la figure diminuée disparaissait sous ses lunettes, avec Labanne, très