Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/250

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occupé depuis huit jours d’un livre sur la politesse au XVIIe siècle, avec le poète Dion et Sainte-Lucie. Virginie servit une soupe aux choux d’un parfum robuste. Le philosophe Branchut repoussa l’assiette fumante que Labanne lui tendit. Cette épaisse nourriture était pour l’étouffer, disait-il. Labanne n’avait donc point la moindre idée du système d’alimentation propre aux natures d’élite.

Un commissionnaire entra, demanda monsieur Branchut et lui remit une lettre qui sentait l’iris et dont l’enveloppe, d’un gris tendre, était frappée d’un chiffre bleu. À mesure que le philosophe lisait, des frissons tumultueux parcouraient son nez mobile. Enfin, il mit la lettre dans la poche de son habit (c’était un habit à queue, que Labanne lui avait donné) et il promena autour de lui un regard plein de mystère. Tout son sang âcre et pauvre animait sa face couperosée. Il était transfiguré. Son nez semblait éclairé par une flamme intérieure. Dion contemplait le liteau de sa serviette. Remi faisait avec son couteau, dans le sel de la salière, des montagnes et des vallons et semblait perdu dans la contemplation des paysages polaires en miniature qu’il créait et bouleversait avec la