Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/31

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geait : ― Quoi ? cet homme passe chez moi comme tant d’autres, comme tout le monde. — Je traite deux cents inconnus par an. — Il ne dit rien ; il voit ma fille six fois et n’ouvre la bouche que pour me la demander en mariage. Ah ça ! mais… est-ce qu’Hélène aurait mené si lestement cette saynète à deux personnages ? Mais non ! je ne suis pas un père de comédie, un Cassandre. Je sais ce qui se passe chez moi et je suis sûr que la pauvre enfant ne lui a pas adressé quatre fois la parole. Je crains même qu’elle n’accueille pas comme elle devrait ce…

Il se mordit le pouce et s’arrêta, l’œil fixe, comme un homme qui mesure un obstacle. Puis il rentra délibérément dans le chalet. En passant par la salle à manger, il lut le papier que M. Haviland lui avait remis, puis il monta dans la chambre de sa fille. Il posa son cigare sur la perse rose qui garnissait la cheminée et s’assit, comme un médecin, au chevet du lit où Hélène était couchée. Il lui demanda :

— Eh bien, comment allons-nous, ma mignonne ?

Comme elle ne répondait pas, il ajouta :