Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’apparaissaient qu’à cause des rayons obliques du soleil, qui, rasant en ce moment le tapis, rendaient visibles les plus légères foulures de la laine et les grains de poussière blonde sur les tons riches et fondus du tissu de Smyrne. Effrayée, elle fit visiter le cabinet de toilette par sa femme de chambre, qui y trouva tout en ordre. Elle chercha quelque temps dans son esprit à s’expliquer ces traces de pas ; elle ne put y parvenir, et, fatiguée de s’inquiéter, elle rentra dans son indifférence.

Quand René Longuemare revint, Hélène, qui l’attendait, était coiffée de la façon qu’il aimait le mieux. Elle fut faible devant lui, lui avoua les misères de sa vie, les ennuis de son mariage. Elle sentait qu’elle l’aimait. Elle aurait voulu tomber dans cette poitrine large et chaude, y pleurer, y tout oublier. René restait très calme près d’elle. Plus elle se confiait à lui, plus il se croyait engagé à ne pas abuser de cette confiance. Il l’aimait respectueusement ; elle était la poésie de sa vie de garçon, où d’ailleurs la prose ne manquait pas. Il avait repris à Paris ses vieilles habitudes et il soupait tous les soirs au sortir de quelque petit