Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/100

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la religion de la grande majorité des Français, il parût bien que la liberté de conscience restait en vigueur dans la République.

Lamartine a dit un jour à la Chambre des députés que le Concordat fut une œuvre rétrograde et une faute politique. Il parlait noblement. Le Concordat, dépouillé de la pompe romaine et de la majesté consulaire, n’est qu’une bouffonnerie italienne jouée par un cadet d’Ajaccio avec un prêtre romain. Bonaparte sentait lui-même le comique de cette pièce. Quand il reçut du cardinal Caprara, dans une assemblée solennelle, un exemplaire authentique de la Convention, enfin signée, on le vit rire aux éclats et faire des grimaces. Pourtant le plus fin de la comédie lui échappait. Il pensait avoir dupé le vieux renard, et c’était lui qui était la dupe.

L’imprudent Consul croyait rétablir à son profit l’Église gallicane, et il organisait en France une province de l’Église romaine. Il faisait un clergé sans force pour lui résister et sans force pour résister au Pape, un clergé, misérable et servile, soumis à deux maîtres et contraint sans cesse de trahir l’un pour contenter l’autre. Il organisait le clergé qui, après avoir chanté des Te Deum pour toutes ses victoires, se détournera de lui dans les jours sombres, prendra la cocarde blanche en 1814, soulèvera contre lui la Vendée en 1815.

Cet homme pénétrant ne tarda pas à s’apercevoir qu’il avait été joué. Il ne cessait de dire à l’abbé de Pradt, son aumônier : « La plus grande