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lumière. Un ministre italien notamment, d’opinions modérées et d’esprit religieux, Minghetti, les a exposées en homme d’État, en historien et en philosophe.

Observant l’impatience des pays de liberté à briser les liens qui les attachent à l’Église, « la cause en est, dit-il, dans le conflit qui partout s’élève entre le clergé et les laïques. L’Église catholique, autrefois à la tête de la science et de la société, s’en est peu à peu éloignée et a fini par leur déclarer la guerre à toutes les deux. Plus elle perdait de fidèles, plus étroitement elle voulait tenir asservis ceux qu’elle conservait… Depuis trois siècles la Papauté s’étudie à supprimer, comme périlleuse, toute participation juridique des laïques et même du clergé au gouvernement de l’Église, et l’œuvre capitale de la religion n’est plus qu’une police. Le Syllabus et la déclaration solennelle d’infaillibilité ne sont malheureusement que les dernières conséquences de ce mouvement, et ils en sont certainement l’expression la plus éclatante : Le Syllabus, en effet, formule, pour les anathématiser l’un après l’autre, tous les principes essentiels des constitutions modernes et les droits dont les peuples sont le plus jaloux[1] ».

C’est dans ce sens qu’Émile Ollivier a dit qu’après le Syllabus le Concordat n’existait plus. En effet, comment l’État moderne pouvait-il désormais s’accorder avec une puissance qui le condamnait ?

La rupture ne se fit pas tout de suite, parce que les

  1. L’État et l’Église, par Minghetti, trad. par Louis Borguet, et précédé d’une introduction par Émile de Laveleye, 1882, p. 44.