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traire, bien des âmes ne s’approchent pas des Sacrements et se tiennent éloignées des offices, qui sont tièdes et non point rebelles, et, pour parler le langage ecclésiastique, il est des pécheurs en qui la foi n’est pas morte.

Et, alors même que nous pourrions compter les âmes croyantes, serions-nous en état de faire le dénombrement des forces de l’Église ? Ces forces ne résident plus dans la commune croyance des peuples. La religion romaine, telle que l’ont faite les Jésuites, se réduit à quelques superstitions grossières et à de basses et machinales pratiques. Elle a perdu toute autorité morale. Elle a pour elle la coutume, la tradition, l’usage. Elle profite de l’indifférence générale. Pour beaucoup de gens, à la ville comme à la campagne, l’église est un établissement plus civil que religieux, qui tient de la mairie et de la salle de concert. On s’y marie, on y porte les nouveau-nés et les morts. Les femmes y montrent leurs toilettes. Aujourd’hui, enfin, le clergé est soutenu par tout ce qui possède. Les gros propriétaires, les industriels, les financiers, les juifs riches sont les colonnes de l’Église romaine. C’est là une force, non toutefois une très grande force dans un pays où, comme dans le nôtre, il y a peu d’indigents.

La proposition Pressensé, très étudiée et très réfléchie, la proposition Réveillaud, judicieuse et modérée, le projet de la commission auquel est justement attaché le nom du rapporteur, Aristide Briand, le projet que le Gouvernement vient de déposer au