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L’ÉGLISE ET LA RÉPUBLIQUE

l’Église n’en saurait reconnaître à la sienne sans démentir son origine, altérer son caractère, se trahir et se renier elle-même. Au contraire des autres puissances qui, parce qu’elles sont dans l’humanité, acceptent les conditions où l’homme et la nature les réduisent et plient leur volonté, leur courage et leurs lois à la force des choses, l’Église ne peut rien abandonner des pouvoirs qui, selon sa doctrine constante, lui ont été remis comme un dépôt sacré ni renoncer à des droits qu’elle prétend tenir du Ciel.

Son institution, telle qu’elle nous l’expose, l’investit de l’autorité civile et politique sur tout l’Univers. C’est parce qu’elle est une puissance spirituelle qu’elle est une puissance temporelle. C’est pour que les âmes lui soient effectivement soumises qu’elle entreprend la soumission des corps, et il est de fait que l’on ne conçoit guère le gouvernement de l’esprit sans le gouvernement de la chair. Il est vrai qu’elle s’élève au-dessus de toutes les choses de ce monde ; il est également vrai qu’elle les enveloppe et les pénètre. Elle domine la terre, mais elle est de la terre. Et quand nos hommes d’État et nos législateurs lui demandent de se renfermer dans son domaine spirituel, et nous assurent qu’elle le fera sans faute et s’en trouvera bien, à moins qu’ils ne soient vraiment trop simples, c’est apparemment qu’ils se moquent ou d’elle ou de nous. Au temps des décrets, Arthur Ranc, qui ne passe pas pour un simple et qui ne se moque jamais de la République,