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taires et nullement confessionnelles, laissera encore, durant un certain nombre d’années, l’enseignement primaire qu’elle a retiré aux congrégations non reconnues. Je le prendrai dans l’institut religieux le plus fréquent en écoles, le plus abondant en élèves que possède notre pays, si riche en œuvres monacales. Ce n’est rien qu’un mot. Mais.il vaut qu’on le rapporte avec toute l’exactitude possible. Voici :

Dans l’automne de 1895, me trouvant à Saint-Emilion, j’allais visiter la maison de Mme Bouquey. Cette dame, on le sait, cacha pendant un mois, dans une galerie souterraine, sept girondins proscrits. Son dévouement la perdit et ne les sauva pas. Elle fut guillotinée à Bordeaux. Salle, Guadet et Barbaroux périrent à la même place. Buzot et Pétion se donnèrent la mort dans un champ de seigle où leurs corps furent retrouvés à demi dévorés. Louvet seul échappa. Quand je vins, il y a neuf ans, à la vieille maison Bouquey, basse, sous son toit de tuiles, et qui regarde tristement les buis et les ifs d’un maigre jardin clos, les frères ignorantins y tenaient une école. Elle était déserte en ces jours de vacances. Le supérieur me reçut.

C’était un petit vieillard à l’œil vif, à la parole claire et brève. Il me conduisit obligeamment dans le logis dont les dispositions n’ont guère été changées depuis le départ de Mme Bouquey. Une des chambres a gardé sa cheminée du XVIIIe siècle, où l’on voit sur le bandeau de marbre blanc, dans un cadre de perles, le B des Bouquey. Le frère supérieur me dit