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à la chandelle, me montra, pour une demi-lire, le sordide musée d’Arezzo et j’y découvris une peinture de Margaritone, un saint François, dont la tristesse pieuse me tira des larmes. Je fus profondément touché ; Margaritone d’Arezzo devint, depuis ce jour, mon primitif le plus cher.

Je me figure les primitifs pingouins d’après les ouvrages de ce maître. On ne jugera donc pas superflu que je le considère à cette place avec quelque attention, sinon dans le détail de ses œuvres, du moins sous son aspect le plus général et, si j’ose dire, le plus représentatif.

Nous possédons cinq ou six tableaux signés de sa main. Son œuvre capitale, conservée à la National Gallery de Londres, représente la Vierge assise sur un trône et tenant l’enfant Jésus dans ses bras. Ce dont on est frappé d’abord lorsqu’on regarde cette figure, ce sont ses proportions. Le corps, depuis le cou jusqu’aux pieds, n’a que deux fois la hauteur de la tête ; aussi paraît-il extrêmement court et trapu. Cet ouvrage n’est pas moins remarquable par la peinture que par le dessin. Le grand Margaritone n’avait en sa possession qu’un petit nombre de couleurs, et il les employait dans toute leur pureté, sans jamais rompre les tons. Il en résulte que son coloris offre plus de vivacité que d’harmonie. Les joues de la Vierge et celles de l’enfant sont d’un beau vermillon que le vieux maître, par une préfé-