Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

angoisses à la pensée que ce malheureux pouvait n’avoir pas été condamné justement, et expiait dans sa cage aérienne les crimes d’un autre. « Je n’en dors pas ! » disait en confidence à quelques membres de la majorité le ministre Guillaumette, qui aspirait à remplacer son chef.

Ces généreux législateurs renversèrent le cabinet, et le président de la république mit à la place de Robin Mielleux un sempiternel républicain, à la barbe fleurie, nommé La Trinité, qui, comme la plupart des Pingouins, ne comprenait pas un mot à l’affaire mais trouvait que, vraiment, il s’y mettait trop de moines.

Le général Greatauk, avant de quitter le ministère, fit ses dernières recommandations au chef d’état-major, Panther.

— Je pars et vous restez, lui dit-il en lui serrant la main. L’affaire Pyrot est ma fille ; je vous la confie ; elle est digne de votre amour et de vos soins ; elle est belle. N’oubliez pas que sa beauté cherche l’ombre, se plaît dans le mystère et veut rester voilée. Ménagez sa pudeur. Déjà trop de regards indiscrets ont profané ses charmes… Panther, vous avez souhaité des preuves et vous en avez obtenu. Vous en possédez beaucoup ; vous en possédez trop. Je prévois des interventions importunes et des curiosités dangereuses. À votre place, je mettrais au pilon tous ces dossiers. Croyez-moi, la meilleure des preuves, c’est de