Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/198

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— Et c’est ce que, moi, je ne pense pas, dit M. Bergeret. Je pense tout au contraire que la vérité est le plus souvent exposée à périr obscurément sous le mépris ou l’injure. Cette croyance, je pourrais l’illustrer de preuves abondantes. Considérez, monsieur, que la vérité a sur le mensonge des caractères d’infériorité qui la condamnent à disparaître. D’abord elle est une, elle est une, comme dit monsieur l’abbé Lantaigne qui l’en admire. Et vraiment il n’y a pas de quoi. Car, le mensonge étant multiple, elle a contre elle le nombre. Ce n’est point son seul défaut. Elle est inerte. Elle n’est pas susceptible de modifications ; elle ne se prête pas aux combinaisons qui pourraient la faire entrer aisément dans l’intelligence ou dans les passions des hommes. Le mensonge, au contraire, a des ressources merveilleuses. Il est ductile, il est plastique. Et, de plus (ne craignons point de le dire), il est naturel et moral. Il est naturel comme le produit ordi-