Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/171

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Zita demeura longtemps pensive et dit enfin :

— Il faut, Arcade, que je vous fasse un aveu. Ce n’est pas le désir d’une justice plus juste ni d’une loi plus sage qui précipita Ithuriel sur la terre. L’ambition, le goût de l’intrigue, l’amour des richesses et des honneurs me rendaient insupportable la paix du ciel, et je brûlais de me mêler à la race agitée des hommes. Je vins et, par un art ignoré de presque tous les anges, je sus me faire un corps qui, changeant à mon gré d’âge et de sexe, me permit de connaître les fortunes les plus diverses et les plus étonnantes. Cent fois, je pris un rang illustre parmi les maîtres de l’heure, les rois de l’or et les princes des peuples. Je ne vous révélerai pas, Arcade, les noms fameux que je portai ; sachez seulement que je dominai par les sciences, les arts, la puissance, la richesse et la beauté, dans toutes les nations du monde. Enfin, il y a peu d’années, voyageant en France, sous la figure d’une célèbre étrangère, tandis que j’errais, un soir, dans la forêt de Montmorency, j’entendis une flûte qui disait les tristesses du ciel. Sa voix pure et douloureuse me déchira l’âme. Je n’avais encore rien entendu de si beau. Les