Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/225

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pures. Je cueillais dans les prés la verveine et la mauve. Les pâles oliviers, qui tordaient au penchant du coteau leurs troncs transpercés, m’offraient des fruits onctueux. Là, j’instruisais des hommes à la tête carrée qui n’avaient point, comme les Grecs, un esprit ingénieux, mais dont le cœur était ferme, l’âme patiente et qui vénéraient les dieux. Mon voisin, soldat rustique, durant quinze ans, courbé sous le fardeau, avait suivi l’aigle romaine par les monts et les mers et vu fuir les ennemis du peuple-roi. Maintenant il conduisait dans le sillon ses deux bœufs roux, qui portaient au front, entre leurs cornes évasées, une étoile blanche. Cependant, sous le chaume, son épouse chaste et grave pilait l’ail dans un mortier de bronze et faisait cuire les fèves sur la pierre sacrée du foyer. Et moi, son ami, assis non loin sous un chêne, j’égayais ses travaux des sons de ma flûte et je souriais à ses jeunes enfants quand, à l’heure où le soleil déjà bas allonge les ombres, ils revenaient du bois tout chargés de ramée. À la porte du jardin, où mûrissaient les poires et les citrouilles et que fleurissaient le lis et l’acanthe toujours