Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

» Partout les bûchers allumés répandaient l’odeur des chairs grillées. Partout les tortures, les supplices, les os brisés et les langues coupées. L’esprit d’Iahveh n’avait pas encore soufflé de si atroces fureurs. Ce n’était pas en vain pourtant que les hommes avaient soulevé le couvercle du sarcophage antique et contemplé la Vierge Romaine. Dans cette grande terreur, où papistes et réformateurs rivalisaient de violence et de cruauté, au milieu des supplices, l’esprit humain reprenait force et courage. Il osait regarder les cieux et y voyait non le vieux sémite ivre de vengeance, mais, tranquille et resplendissante, Vénus Uranie.

» Alors un nouvel ordre de choses naissait, alors commençaient les grands siècles. Sans renier publiquement le dieu de leurs aïeux, les esprits se soumirent à ses deux mortelles ennemies, la Science et la Raison, et l’abbé Gassendi le relégua doucement dans l’abîme lointain des causes premières. Les démons bienfaisants qui instruisent et consolent les malheureux mortels, inspirèrent aux beaux esprits de ce temps des discours de toutes sortes, des comédies et des contes d’un art accompli.