Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/359

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santé depuis qu’elles le quittaient. Dieu merci ! j’ai gardé la force du corps et de l’esprit. Je suis chaste. Sois chaste, Sariette ; les chastes sont forts.

Le père Guinardon avait tiré, ce soir-là de la commode de bois de violette quelques livres précieux, pour les montrer à un distingué bibliophile, M. Victor Meyer ; et après le départ de ce client il s’était endormi sans les remettre en place. M. Sariette, que les livres attiraient, vit ceux-là sur le marbre de la commode et se mit à les examiner curieusement. Le premier qu’il feuilleta fut la Pucelle en maroquin, avec la suite anglaise. Sans doute, il en coûtait à son cœur français et chrétien d’admirer ce texte et ces figures, mais un bel exemplaire lui semblait toujours vertueux et pur. Tout en causant très affectueusement avec Guinardon, il prit tour à tour dans ses mains des livres que l’antiquaire prisait pour la reliure, les estampes, la provenance ou la rareté, puis il poussa soudain un cri sublime de joie et d’amour. Il venait de retrouver le Lucrèce du Prieur de Vendôme, son Lucrèce, qu’il pressait contre son cœur.