Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/110

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Versailles font jouer leurs machines en l’honneur des rois. Je me rangeai contre une borne dans un coin de porte, pour qu’ils ne me vissent point. C’était prendre un soin inutile, car ils étaient assez occupés l’un de l’autre. La tête renversée sur l’épaule du moine, Catherine riait. Un rayon de lune tremblait sur ses lèvres humides et dans ses yeux comme dans l’eau des fontaines. Et je poursuivis mon chemin, l’âme irritée et le cœur serré, songeant à la taille ronde de cette belle fille, que pressait dans ses bras un sale capucin.

— Est-il possible, me dis-je, qu’une si jolie chose soit en de si laides mains ? et si Catherine me dédaigne, faut-il encore qu’elle me rende ses mépris plus cruels par le goût qu’elle a de ce vilain frère Ange ?

Cette préférence me semblait étonnante et j’en concevais autant de surprise que de dégoût. Mais je n’étais pas en vain l’élève de M. Jérôme Coignard. Ce maître incomparable avait formé mon esprit à la méditation. Je me représentai les Satyres qu’on voit dans les jardins ravissant des Nymphes, et fis réflexion que, si Catherine était faite comme une Nymphe, ces Satyres, tels qu’on nous les montre, étaient aussi affreux que ce capucin.