Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/114

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Courant par la grande allée, sur les flaques d’eau qui reflétaient des lueurs d’incendie, nous traversâmes le parc, enseveli dans une ombre épaisse. Il était calme et désert. Dans le château tout semblait dormir. Nous entendions le ronflement du feu, qui remplissait l’escalier obscur. Nous montâmes deux à deux les degrés, nous arrêtant par moments pour écouter d’où venait ce bruit épouvantable.

Il nous parut sortir d’un corridor du premier étage où nous n’avions jamais mis les pieds. Nous nous dirigeâmes à tâtons de ce côté, et, voyant par les fentes d’une porte close des clartés rouges, nous heurtâmes de toutes nos forces les battants. Ils cédèrent tout à coup.

M. d’Astarac, qui venait de les ouvrir, se tenait tranquille devant nous. Sa longue forme noire se dressait dans un air enflammé. Il nous demanda doucement pour quelle affaire pressante nous le cherchions à cette heure.

Il n’y avait point d’incendie, mais un feu terrible, qui sortait d’un grand fourneau à réverbère, que j’ai su depuis s’appeler athanor. Toute cette salle, assez vaste, était pleine de bouteilles de verre au long col, sur lequel serpentaient des tubes de verre à bec de canard, des cornues semblables à des visages joufflus,