Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/155

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pétris d’argile, ils avaient le goût de la fange. Hélas ! ils se connurent l’un l’autre de la manière qu’ils avaient connu les Génies.

» C’est ce que le Démiurge leur avait défendu le plus expressément. Craignant, avec raison, qu’ils n’eussent ensemble des enfants épais comme eux, terreux et lourds, il leur avait interdit, sous les peines les plus sévères, de s’approcher l’un de l’autre. Tel est le sens de cette parole d’Ève : « Pour ce qui est du fruit de l’arbre qui est au milieu du Paradis, Dieu nous a commandé de n’en point manger et de n’y point toucher, de peur que nous ne fussions en danger de mourir. » Car, vous entendez bien, mon fils, que la pomme qui tenta la pitoyable Ève n’était point le fruit d’un pommier, et que c’est là une allégorie dont je vous ai révélé le sens. Bien qu’imparfait et quelquefois violent et capricieux, Jéhovah était un Démiurge trop intelligent pour se fâcher au sujet d’une pomme ou d’une grenade. Il faut être évêque ou capucin pour soutenir des imaginations aussi extravagantes. Et la preuve que la pomme était ce que j’ai dit, c’est qu’Ève fut frappée d’un châtiment assorti à sa faute. Il lui fut dit, non point : « Tu digéreras laborieusement, » mais bien : « Tu enfanteras dans