Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/174

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Je croyais l’entendre lui-même faire ce petit discours entre deux prises de tabac, et je ne savais que répondre à un langage si chrétien. D’autre part, je considérais par avance dans quel embarras je me trouverais devant M. d’Astarac, quand il me demanderait des nouvelles de la Salamandre. Que lui répondre ? Comment lui avouer ma réserve et mon abstention, sans trahir en même temps ma défiance et ma peur ? Et puis, j’étais, à mon insu, curieux de tenter l’aventure. Je ne suis pas crédule. J’ai au contraire une propension merveilleuse au doute, et ce penchant me porte à me défier du sens commun et même de l’évidence comme du reste. A tout ce qu’on me dit d’étrange, je me dis : « Pourquoi pas ? » Ce « pourquoi pas » faisait tort, devant le ballon, à mon intelligence naturelle. Ce « pourquoi pas » m’inclinait à la crédulité, et il est intéressant de remarquer à cette occasion que : ne rien croire, c’est tout croire, et qu’il ne faut pas se tenir l’esprit trop libre et trop vacant, de peur qu’il ne s’y emmagasine d’aventure des denrées d’une forme et d’un poids extravagant, qui ne sauraient trouver place dans des esprits raisonnablement et médiocrement meublés de croyances. Tandis