Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/193

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houppelande jaune un stylet assez coquet et l’agita par la fenêtre d’un bras qui ne semblait point appesanti par la vieillesse. Cependant, il me jetait des injures bilingues. Oui, Tournebroche, mes connaissances grammaticales m’autorisent à dire qu’elles étaient bilingues et que l’espagnol ou plutôt le portugais s’y mêlait avec l’hébreu. J’enrageais de n’en point saisir le sens exact, car je n’entends point ces langues, encore que je les reconnaisse à certains sons qui y reviennent fréquemment. Mais il est vraisemblable qu’il m’accusait de vouloir suborner cette fille, que je crois être sa nièce Jahel, que M. d’Astarac, s’il vous en souvient, nous a plusieurs fois nommée ; en quoi ses invectives contenaient une part de flatterie, car tel que je suis devenu, mon fils, par les progrès de l’âge et les fatigues d’une vie agitée, je ne puis plus prétendre à l’amour des jeunes pucelles. Hélas ! à moins de devenir évêque, c’est un plat dont je ne goûterai plus jamais. J’y ai regret. Mais il ne faut pas s’attacher trop obstinément aux biens périssables de ce monde, et nous devons quitter ce qui nous quitte. Donc Mosaïde, maniant son stylet, tirait de sa gorge des sons rauques qui alternaient avec des glapissements aigus, de sorte que