Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/229

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— En ces conjonctures, dit l’abbé, il conviendrait premièrement de demander pardon à Dieu, envers qui seul nous sommes comptables du sang répandu, secondement de hâter le pas jusqu’à la prochaine fontaine où nous nous laverons. Car il me semble que je saigne du nez.

— Vous avez raison, l’abbé, dit M. d’Anquetil, car le drôle qui maintenant crève entr’ouvert dans le ruisseau m’a fendu le front. Quelle impertinence !

— Pardonnez-lui, dit l’abbé, pour qu’il vous soit pardonné.

À l’endroit où la rue du Bac se perd dans les champs, nous trouvâmes à propos, le long d’un mur d’hôpital, un petit Triton de bronze qui lançait un jet d’eau dans une cuve de pierre. Nous nous y arrêtâmes pour nous y laver et pour boire. Car nous avions la gorge sèche.

— Qu’avons-nous fait, dit mon maître, et comment suis-je sorti de mon naturel, qui est pacifique ? Il est bien vrai qu’il ne faut pas juger les hommes sur leurs actes, qui dépendent des circonstances, mais plutôt, à l’exemple de Dieu, notre père, sur leurs pensées secrètes et profondes intentions.