Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/236

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j’ai le désir et le goût du chaste repos qui convient à mon âge et à mon état.

Pendant que M. l’abbé Coignard tenait ces propos mémorables, M. d’Anquetil, sans l’entendre, assis sur le bord de la vasque, battait les cartes, et jurait comme un diable qu’on n’y voyait goutte pour faire une partie de piquet.

— Vous avez raison, monsieur, dit mon bon maître ; on n’y voit pas bien clair, et j’en éprouve quelque déplaisir, moins par la considération des cartes, dont je me passe facilement, que pour l’envie que j’ai de lire quelques pages des Consolations de Boèce, dont je porte toujours un exemplaire de petit format dans la poche de mon habit, afin de l’avoir sans cesse sous la main, pour l’ouvrir au moment où je tombe dans l’infortune, comme il m’arrive aujourd’hui. Car c’est une disgrâce cruelle, monsieur, pour un homme de mon état, que d’être homicide et menacé d’être mis dans les prisons ecclésiastiques. Je sens qu’une seule page de ce livre admirable affermirait mon cœur qui s’abîme à la seule idée de l’official.

En prononçant ces mots, il se laissa choir sur l’autre bord de la vasque et si profondé-