Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/237

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ment, qu’il trempait dans l’eau par tout le beau milieu de son corps. Mais il n’en prenait aucun souci et ne semblait point même s’en apercevoir ; tirant de sa poche son Boèce, qui y était réellement, et chaussant ses lunettes, dont il ne restait plus qu’un verre, lequel était fendu en trois endroits, il se mit à chercher dans le petit livre la page la mieux appropriée à sa situation. Il l’eût trouvée sans doute, et il y eût puisé des forces nouvelles, si le mauvais état de ses besicles, les larmes qui lui montaient aux yeux et la faible clarté qui tombait du ciel lui eussent permis de la chercher. Mais il dut bientôt confesser qu’il n’y voyait goutte, et il s’en prit à la lune qui lui montrait sa corne aiguë au bord d’un nuage. Il l’interpella vivement et l’accabla d’invectives :

— Astre obscène, polisson et libidineux, lui dit-il, tu n’es jamais las d’éclairer les turpitudes des hommes, et tu envies un rayon de ta lumière à qui cherche des maximes vertueuses !

— Aussi bien, l’abbé, dit M. d’Anquetil, puisque cette catin de lune nous donne assez de clarté pour nous conduire par les rues, et non pas pour faire un piquet, allons tout de