Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/247

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ne le pensait. En les entendant, je nourrissais d’autres sujets d’alarmes. Sans doute, mon visage trahissait mon inquiétude, car le grand cabbaliste, ayant tourné sa vue sur moi, me demanda si je ne craignais point qu’un engagement, gardé sous des peines si sévères, ne fût importun à ma jeunesse.

— Je puis vous rassurer à cet égard, ajouta-t-il. La jalousie des Salamandres n’est excitée que si on les met en rivalité avec des femmes, et c’est, à vrai dire, du ressentiment, de l’indignation, du dégoût, plus que de la jalousie véritable. Les Salamandres ont l’âme trop noble et l’intelligence trop subtile pour être envieuses l’une de l’autre et céder à un sentiment qui tient de la barbarie où l’humanité est encore à demi plongée. Au contraire, elles se font une joie de partager avec leurs compagnes les délices qu’elles goûtent au côté d’un sage, et se plaisent à amener à leur amant leurs sœurs les plus belles. Vous éprouverez bientôt qu’effectivement elles poussent la politesse au point que je dis, et il ne se passera pas un an, ni même six mois avant que votre chambre soit le rendez-vous de cinq ou six filles du jour, qui délieront devant vous à l’envi leurs ceintures étincelantes. Ne