Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/266

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gence pour les faiblesses humaines, une obligeante douceur, l’imprudente bonté d’un cœur trop facile, portent souvent les hommes à des démarches inconsidérées et les exposent à la sévérité des vains jugements du monde. Je ne vous cacherai pas, Tournebroche, que, cédant aux instantes prières de ce jeune gentilhomme, je promis obligeamment d’aller trouver Jahel de sa part et de ne rien négliger pour la disposer à un enlèvement.

— Hélas ! m’écriai-je, et vous accomplîtes, monsieur, cette fâcheuse promesse. Je ne puis vous dire à quel point cette action me blesse et m’afflige.

— Tournebroche, me répondit sévèrement mon bon maître, vous parlez comme un pharisien. Un docteur aussi aimable qu’austère a dit : « Tournez les yeux sur vous-même, et gardez-vous de juger les actions d’autrui. En jugeant les autres, on travaille en vain ; souvent on se trompe, et on pèche facilement, au lieu qu’en s’examinant et se jugeant soi-même, on s’occupe toujours avec fruit. » Il est écrit : « Vous ne craindrez point le jugement des hommes », et l’apôtre saint Paul a dit : « Je ne me soucie point d’être jugé au tribunal des hommes. » Et, si je confère ainsi les plus