Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/298

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— Je ne sais, répondit mon bon maître ; c’est leur affaire et non la nôtre. Mais achevons ce conte arabe, qui est plein de sens. Vous m’avez inconsidérément interrompu, Tournebroche, au moment où cette dame, levant la tête, découvrit les deux princes dans l’arbre où ils s’étaient cachés. Elle leur fit signe de venir et, voyant qu’ils hésitaient, partagés entre l’envie de répondre à l’appel d’une si belle personne et la peur d’approcher un géant si terrible, elle leur dit d’un ton de voix bas, mais animé : « Descendez tout de suite, ou j’éveille le Génie ! » À son air impérieux et résolu, ils comprirent que ce n’était point là une vaine menace, et que le plus sûr comme le plus agréable, était encore de descendre. Ils le firent avec toutes les précautions possibles pour ne pas éveiller le Génie. Lorsqu’ils furent en bas, la dame les prit par la main et, s’étant un peu éloignée avec eux sous les arbres, elle leur fit entendre clairement qu’elle était prête à se donner tout de suite à l’un et à l’autre. Ils se prêtèrent de bonne grâce à cette fantaisie et, comme ils étaient hommes de cœur, la crainte ne gâta pas trop leur plaisir. Après qu’elle eut obtenu d’eux ce qu’elle souhaitait, ayant remarqué qu’ils avaient chacun une