Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

leuse sympathie dont ils s’étaient fait une habitude. Pendant que le jeune seigneur s’étonnait que son partenaire retournât le roi plus souvent que ne le veut le calcul des probabilités, Jahel, assez émue, me tira à part, et me demanda si je ne voyais pas une voiture arrêtée derrière nous à un lacet de la route. En regardant vers le point qu’elle m’indiquait, j’aperçus en effet une espèce de calèche gothique, d’une forme ridicule et bizarre.

— Cette voiture, ajouta Jahel, s’est arrêtée en même temps que nous. C’est donc qu’elle nous suivait. Je serais curieuse de distinguer les visages qui voyagent dans cette machine. J’en ai de l’inquiétude. N’est-elle point coiffée d’une capote étroite et haute ? Elle ressemble à la voiture dans laquelle mon oncle m’emmena, toute petite, à Paris, après avoir tué le Portugais. Elle était restée, autant que je crois, dans une remise du château des Sablons. Celle-ci me la rappelle tout à fait, et c’est un horrible souvenir, car j’y vis mon oncle écumant de rage. Vous ne pouvez concevoir, Jacques, à quel point il est violent. J’ai moi-même éprouvé sa fureur le jour de mon départ. Il m’enferma dans ma chambre en vomissant contre M. l’abbé Coignard des injures épou-