Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/322

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doit me donner quelque prix à vos yeux. Oh ! j’ai été bien ingrate en quittant un si bon oncle. Mais je ne pouvais plus endurer l’esclavage où il me retenait. Et puis j’avais une ardente envie de devenir riche, et il est bien naturel, n’est-ce pas ? de désirer de grands biens quand on est jeune et jolie. Nous n’avons qu’une vie, et elle est courte. On ne m’a pas appris, à moi, de beaux mensonges sur l’immortalité de l’âme.

— Hélas ! Jahel, m’écriai-je dans une ardeur d’amour que me donnait sa dureté même, hélas ! il ne me manquait rien près de vous au château des Sablons. Que vous y manquait-il, à vous, pour être heureuse ?

Elle me fît signe que M. d’Anquetil nous observait. Le trait était raccommodé et la berline roulait entre les coteaux de vignes.

Nous nous arrêtâmes à Nuits pour le souper et la couchée. Mon bon maître but une demi-douzaine de bouteilles de vin du cru, qui échauffa merveilleusement son éloquence. M. d’Anquetil lui rendit raison, le verre à la main ; mais, quant à lui tenir tête dans la conversation, c’est ce dont ce gentilhomme était bien incapable.

La chère avait été bonne ; le gîte fut mau-