Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/328

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en joualles sur les coteaux. À gauche, la Saône coulait mollement. Nous passâmes, comme un ouragan, devant le pont de Tournus. La ville s’élevait de l’autre côté du fleuve, sur une colline couronnée par les murs d’une abbaye fière comme une forteresse.

— C’est, dit l’abbé, une de ces innombrables abbayes bénédictines qui sont semées comme des joyaux sur la robe de la Gaule ecclésiastique. S’il avait plu à Dieu que ma destinée fût conforme à mon caractère, j’aurais coulé une vie obscure, gaie et douce, dans une de ces maisons. Il n’est point d’ordre que j’estime, pour la doctrine et pour les mœurs, à l’égal des Bénédictins. Ils ont des bibliothèques admirables. Heureux qui porte leur habit et suit leur sainte règle ! Soit par l’incommodité que j’éprouve présentement d’être rudement secoué par cette voiture, qui ne manquera pas de verser bientôt dans une des ornières dont cette route est profondément creusée, soit plutôt par l’effet de mon âge, qui est celui de la retraite et des graves pensées, je désire plus ardemment que jamais m’asseoir devant une table, dans quelque vénérable galerie, où des livres nombreux et choisis fussent assemblés en silence. Je préfère leur entretien à