Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/357

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— C’est bien le malheur de notre ami, répondit-elle, qui cause mes regrets cuisants. Car pour ce qui est du reste, ce n’est pas la peine d’y penser, et je ne conçois pas, Jacques, que vous y songiez dans un pareil moment.

— J’y songe toujours, lui répondis-je.

— Moi, dit-elle, je n’y pense guère. Vous faites à vous seul, plus qu’aux trois quarts, les frais de votre malheur.

— Qu’entendez-vous par là, Jahel ?

— J’entends, mon ami, que si j’y fournis l’étoffe, vous y mettez la broderie et que votre imagination enrichit beaucoup trop la simple réalité. Je vous jure qu’à l’heure qu’il est, je ne me rappelle pas moi-même le quart de ce qui vous chagrine ; et vous méditez si obstinément sur ce sujet que votre rival vous est plus présent qu’à moi-même. N’y pensez plus et laissez-moi donner de la tisane à l’abbé qui se réveille.

À ce moment, M. Coquebert s’approcha du lit avec sa trousse, fit un nouveau pansement, dit tout haut que la blessure était en bonne voie de guérison. Puis, me tirant à part :

— Je puis vous assurer, monsieur, me dit-il, que ce bon abbé ne mourra pas du coup qu’il a reçu. Mais, à vrai dire, je crains qu’il