Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/361

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malade, si son état s’aggrave soudainement. Ce sont bien des soucis, Coquebert !

Le jour suivant fut si bon pour M. Coignard, que nous en conçûmes l’espoir de le conserver. Il prit un consommé et se souleva sur son lit. Il parlait à chacun de nous avec sa grâce et sa douceur coutumières. M. d’Anquetil, qui logeait chez Gaulard, le vint voir et lui demanda assez indiscrètement de lui faire son piquet. Mon bon maître promit en souriant de le faire la semaine prochaine. Mais la fièvre le reprit à la tombée du jour. Pâle, les yeux nageant dans une terreur indicible, frissonnant et claquant des dents :

— Le voilà, cria-t-il, ce vieux youtre ! C’est le fils que Judas Iscariote fit à une diablesse en forme de chèvre. Mais il sera pendu au figuier paternel, et ses entrailles se répandront à terre. Arrêtez-le… Il me tue ! J’ai froid !

Un moment après, rejetant ses couvertures, il se plaignit d’avoir trop chaud.

— J’ai grand’soif, dit-il. Donnez-moi du vin ! Et qu’il soit frais. Madame Coquebert, hâtez-vous de l’aller mettre rafraîchir dans la fontaine, car la journée promet d’être brûlante.

Nous étions à la nuit, et il brouillait les heures dans sa tête.