Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme un espoir désespéré. Cet état se soutint encore dans la journée qui suivit. Mais vers le soir il commença à s’agiter et à prononcer des paroles si indistinctes qu’elles restent tout entières un secret entre Dieu et lui.

À minuit il retomba dans un abattement profond et l’on n’entendait plus que le bruit léger de ses ongles qui grattaient les draps. Il ne nous reconnaissait plus.

Vers deux heures il commença de râler ; le souffle rauque et précipité qui sortait de sa poitrine était assez fort pour qu’on l’entendît au loin, dans la rue du village, et j’en avais les oreilles si pleines que je crus l’ouïr encore pendant les jours qui suivirent ce malheureux jour. À l’aube, il fit de la main un signe que nous ne pûmes comprendre et poussa un grand soupir. Ce fut le dernier. Son visage prit, dans la mort, une majesté digne du génie qui l’avait animé et dont la perte ne sera jamais réparée.