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Mes malheurs m’avaient rendu sage. Je ne fus pas rebuté par l’humilité de ma tâche et je la remplis avec exactitude, maniant le plumeau et le balai au contentement de mon patron.

Mon devoir était de faire une visite à M. d’Astarac. Je me rendis chez ce grand alchimiste le dernier dimanche de novembre, après le dîner du midi. La distance est longue de la rue Saint-Jacques à la Croix-des-Sablons et l’almanach ne ment point, quand il annonce que les jours sont courts en novembre. Quand j’arrivai au Roule, il faisait nuit, et une brume noire couvrait la route déserte. Je songeais tristement, dans les ténèbres.

— Hélas ! me disais-je, il y aura bientôt un an que pour la première fois je fis cette même route, dans la neige, en compagnie de mon bon maître, qui repose maintenant dans un village de Bourgogne, sur un coteau de vigne. Il s’endormit dans l’espérance de la vie éternelle. Et c’est là une espérance qu’il convient de partager avec un homme si docte et si sage. Dieu me garde de douter jamais de l’immortalité de l’âme ! Mais il faut bien se l’avouer à soi-même, tout ce qui tient à une existence future et à un autre monde est de ces vérités