Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/387

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en pluie étincelante. Une épaisse colonne de fumée s’élevait au-dessus du château. Une pluie de flammèches et de cendres tombait autour de moi et je m’aperçus bientôt que mes habits et mes mains en étaient noircis. Je songeai avec désespoir que cette poussière qui remplissait l’air était le reste de tant de beaux livres et de manuscrits précieux, qui avaient fait la joie de mon bon maître, le reste, peut-être, de Zozime le Panopolitain, auquel nous avions travaillé ensemble dans les plus nobles heures de ma vie.

J’avais vu mourir M. l’abbé Jérôme Coignard. Cette fois, c’est son âme même, son âme étincelante et douce, que je croyais voir réduite en poudre avec la reine des bibliothèques. Je sentais qu’une part de moi-même était détruite en même temps. Le vent qui s’élevait attisait l’incendie, et les flammes faisaient un bruit de gueules voraces.

Avisant un homme de Neuilly, plus noirci encore que moi, et n’ayant que sa veste, je lui demandai si l’on avait sauvé M. d’Astarac et ses gens.

— Personne, me dit-il, n’est sorti du château, hors un vieux juif qu’on vit s’enfuir avec des paquets, du côté des marécages. Il habitait le