Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/170

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M. Dubois, imbu de Winckelmann, me prêta les œuvres de cet illustre antiquaire, à la grande inquiétude de ma mère qui craignait, non sans raison, que ces gros in-quarto, sur lesquels je pâlissais, me fissent négliger mes exercices scolaires.

Je les négligeais, en effet. En comparant à M. Dubois, d’un goût si noble et si pur, d’un esprit si vaste, mon professeur de philosophie, fort honnête homme, d’une parfaite droiture, mais privé du sens de la poésie et du génie des arts, je négligeais, à mon grand préjudice, un enseignement aride et sans charme, dont je méconnaissais l’utilité. D’ailleurs tout, au collège, me rendait l’étude odieuse et la vie insupportable. Je n’ai jamais pu m’accoutumer au système abêtissant des récompenses et des punitions qui abaisse les caractères et fausse les jugements. J’ai toujours considéré que créer l’émulation, c’est exciter les enfants les uns contre les autres ; mais ce qui, peut-être, me rendait le plus malheureux au collège, c’était la saleté ignominieuse des tables et des murs, l’horrible mélange de craie et d’encre qui faisait pour moi d’une classe un lieu abominable. Et l’hiver, quand le poêle de fonte